Cautionnement : on n’est pas a la virgule
17 octobre 2014
Fréquemment, les banques recourent au cautionnement solidaire des personnes physiques. En vue de protéger ces dernières, les articles L. 341-2 et L. 341-3 du Code de la consommation imposent deux mentions manuscrites, l’une au titre de la caution et l’autre au titre du caractère solidaire de l’engagement. Trois arrêts récents de la Chambre commerciale de la Cour de cassation précisent la sanction applicable lorsque ces mentions ne sont pas intégralement reprises.
1°) Arrêt du 8 mars 2011 :
Après un redressement judiciaire, une banque assigne une caution pour obtenir le règlement de sa créance. La Cour d’appel constate l’absence de la mention manuscrite relative à la solidarité, mais décide seulement de l’impossibilité pour la banque de se prévaloir de cette solidarité, sans annuler complètement l’acte. La caution forme un pourvoi.
La Cour de cassation rejette le pourvoi aux motifs que « la sanction de l’inobservation de la mention imposée […] ne pouvait conduire qu’à l’impossibilité pour la banque de se prévaloir de la solidarité et […] l’engagement souscrit par la caution demeurait valable en tant que cautionnement simple »
Cette décision fait donc revivre le cautionnement simple, pratiquement tombé aux oubliettes.
Le cautionnement simple permet à la caution d’invoquer deux éléments :
– le bénéfice de discussion :
La caution peut obliger le créancier à poursuivre d’abord le débiteur principal. Cependant, en pratique, l’intérêt de ce dispositif s’avère très limité au regard des conditions strictes de sa mise en œuvre. La caution doit, en effet, indiquer au créancier les biens du débiteur principal pouvant être visés par une action, ce qui est exclu en cas d’insolvabilité notoire du débiteur (ainsi en procédure collective). Ces biens doivent être situés dans le ressort de la Cour d’appel et ne pas être litigieux. En outre, la caution doit avancer au créancier les frais du procès.
– le bénéfice de division :
La caution peut exiger que le créancier divise préalablement son action, et la réduise à la part et portion de chaque caution. La contribution est alors le montant de la dette ou le montant garanti divisé par le nombre de cautions solvables. Ceci ne joue naturellement que pour autant qu’il existe plusieurs cautions, mais l’une de celles-ci pourrait être une société de caution mutuelle.
2°) Deux arrêts du 5 avril 2011 :
Ces deux décisions restreignent l’annulation des engagements de cautions qui n’auraient pas strictement recopié les mentions légales.
Dans la première affaire, pour déclarer nulles les cautions, la Cour d’appel de Rennes avait retenu que le fait de joindre les deux mentions par une virgule n’était pas conforme aux prescriptions d’ordre public des articles susvisés.
Cette solution, qui avait reçu les foudres de nombreux commentateurs, est cassée par la Cour de cassation
« L’apposition d’une virgule entre la formule caractérisant l’engagement de caution et celle relative à la solidarité n’affecte pas la portée des mentions manuscrites ».
Quant à lui, le deuxième arrêt indique que les textes des articles en cause doivent être scrupuleusement recopiés.
Cependant, il exclut l’hypothèse d’une erreur matérielle qu’il distingue d’une erreur intellectuelle
« la nullité d’un engagement de caution est encourue […] à l’exception de l’hypothèse dans laquelle ce défaut d’identité résulterait d’erreur matérielle ».
En conclusion, la Cour de cassation applique les textes d’une façon plus pragmatique que littérale. Dans chaque cas, le juge devra donc procéder à une appréciation qu’on pourrait dire inspirée du bon sens. Cependant, s’agissant de la chose la mieux partagée au monde, il n’est pas dit que ces décisions – même si elles la limitent – mettent un point final à la discussion.