Croissance (de la défiance)
7 janvier 2015
Le gouvernement, sous l’égide de Monsieur MACRON, vient de présenter un projet de loi pour la croissance et l’activité. Il s’agit d’un fourre-tout où seuls les ratons laveurs ne sont pas concernés.
Parmi les nombreuses dispositions très diverses, on relève celles touchant les tribunaux de commerce. Elles tendent à une remise en cause très profonde de ces juridictions, qui pourtant fonctionnent bien. Leurs délais de jugement sont plus courts que ceux des juridictions étatiques, avec, devant la Cour d’appel de Rennes, un taux de réformation inférieur. Grâce à des juges bénévoles, les décisions sont d’un coût dérisoire pour les finances publiques. Rien n’impose donc le passage en force à ce sujet.
Cette remarque vaut aussi pour les professions règlementées du droit. La méthode adoptée par le gouvernement est un déni de démocratie. Elle constitue une nouvelle déchirure du tissu social, déjà si fragile. A ce sujet, le gouvernement a agi par tromperie, avec une brutalité qui n’a d’égale que son improvisation.
Voici quelques mois un projet a été initié par Monsieur MACRON. Le gouvernement ne l’a pas diffusé officiellement. Le texte n’était présenté que comme un document de travail. Les représentants des professionnels n’en ont eu connaissance qu’à l’occasion d’une fuite (comportement attribué normalement à un voleur, pas à un ministre). Interrogé, le ministère de la Justice a affirmé que ce texte n’engageait pas le gouvernement et qu’un autre texte serait présenté. Madame TAUBIRA l’a confirmé de la façon la plus explicite lors de la convention nationale des avocats à Montpellier le 30 octobre. Un texte très différent a en effet été présenté quelques jours plus tard.
Or, les professionnels ont découvert le 17 novembre qu’un texte totalement différent de celui du Ministère de la Justice, et reprenant pour l’essentiel le projet MACRON, était soumis à l’examen du Conseil d’Etat, en vue du conseil des ministres du 15 décembre. Aucune étude d’impact, aucune communication, aucune concertation n’a précédé cette présentation. Parmi d’autres aspects, ce texte modifie les modalités de représentation devant les Tribunaux de grande instance. Ce point peut amener à une concentration du contentieux dans les plus grandes villes, ce qui affecte la vitalité des territoires, l’équilibre de nombreux cabinets et l’exercice des droits de la défense. Le projet propose également la création de l’avocat en entreprise, avec un statut et secret professionnel dégradés. La remise en cause du secret professionnel, qui profite à tous les clients, est un bouleversement majeur pour la profession d’avocat et, beaucoup plus largement, pour la démocratie. La marque d’un système totalitaire est la violation du secret du à toute personne. C’est pourquoi les barreaux se sont immédiatement mobilisés en décidant d’une grève.
Bien plus, le gouvernement veut empêcher tout débat. En effet, après seulement deux jours, une nouvelle version du texte a été présentée le 19 novembre. Cette fois, le gouvernement entend procéder par ordonnance, notamment sur ce qui concerne le secret professionnel. Il écarte ainsi, non seulement les organisations professionnelles, mais aussi le parlement. Tous les corps intermédiaires, qui seuls permettent une expression raisonnée de la volonté démocratique, sont donc bafoués.
Alors qu’il existe tant d’urgence à réduire les dépenses publiques et à réformer le droit du travail, conditions sine qua non pour le retour de la croissance économique, le seul effet avéré de ce projet est la croissance de la défiance. Il doit être retiré.
(Ces propos sont tenus à titre personnel et n’engagent que leur auteur)