Vade-mecum de la rupture (des relations commerciales établies)

3 janvier 2022

En 2000, le Code de commerce intégrait l’interdic­tion de rompre brutalement des relations commer­ciales établies (actuel article L442-7-II). Ces disposi­tions autorisent la victime d’une rupture brutale à exercer une action en réparation du préjudice causé par l’absence de préavis. Après plus de 20 ans d’application, les Tribunaux de commerce spécialisés, notamment le Tribu­nal de commerce de Rennes, sont toujours régulièrement saisis de litiges opposant des entreprises dont la relation commerciale a pris fin de façon brutale, sans préavis. Une dose de rappel s’impose donc quant aux conditions d’une bonne rupture.


A qui, et comment s’applique  l’article L442-1-II du Code de commerce ? Une relation commerciale, mais pas nécessairement un contrat écrit 

L’action en réparation du préjudice causé par une rupture brutale doit concerner une relation commerciale « éta­blie » L’existence d’une telle relation n’exige pas l’établis­sement d’un contrat écrit. Est exigée une relation « suivie, stable et habituelle». Elle résulte d’une continuité de flux d’affaires entre les partenaires commerciaux.

Quel type de rupture est sanctionné ? 

Une rupture même partielle de la relation commerciale peut être sanctionnée. Une baisse de commandes, un dé­référencement de certains produits, ou une modification substantielle des conditions contractuelles, peuvent carac­tériser une rupture brutale des relations commerciales. 

La rupture doit s’accompagner d’un préavis suffisant. Comment le calculer ?

Le préavis suffisant doit s’entendre du temps nécessaire à l’entreprise pour se réorganiser, pour préparer le redéploie­ment de son activité ou trouver une solution de rempla­cement. Sont pris en compte : l’ancienneté des relations, le degré de dépendance économique, le volume d’affaires, la progression du chiffre d’affaires, les investissements effectués, les relations d’exclusivité. En pra­tique, et sauf sec­teurs particuliers, il est d’usage de calcu­ler un mois de préavis par année de relation commerciale, avec un maximum de 18 mois de préavis. Il est à noter que la limita­tion contractuelle du préavis ou de la res­ponsabilité de l’auteur de la rupture est inopposable à la victime, l’article L442-1 étant d’ordre public.

Quel préjudice en cas de rupture brutale ? 

Le préjudice résultant du caractère brutal de la rupture est constitué par la perte de la marge dont la victime pou­vait escompter bénéficier pendant la durée du préavis. Les Juridictions prennent en considération la marge sur coûts variables : différence avec le chiffre d’affaires dont la victime a été privée, déduction faite des charges qui n’ont pas été supportées du fait de la baisse d’activité résultant de la rupture.

Quid des ruptures sans préavis en période covid ? 

S’il ne fait nul doute que certaines ruptures sans préavis ont été justifiées par le contexte sanitaire, d’autres sont intervenues par effet d’aubaine. Une rupture sans pré­avis n’est pas fautive si elle est justifiée par des éléments conjoncturels dont il est démontré qu’ils sont la cause de la rupture. La Cour d’appel de PARIS a eu l’occasion de se prononcer en ce sens en retenant, au regard du secteur considéré (l’aviation) et au regard des circonstances de l’es­pèce, que la pandémie caractérisait un élément de force majeure permettant de s’exonérer du préavis. Dès lors, si la preuve du lien entre la conjoncture et la rupture sans préavis n’est pas établie, la rupture devrait être considérée comme fautive.