Give peace a chance, ou le décret n°2015-282 du 11 mars 2015

4 avril 2015

Le 8 décembre 1980 à 22 heures 50, John Lennon s’écroulait devant le Dakota Building, touché par quatre balles dum-dum tirées à bout portant par un fan déséquilibré. A cet instant précis, l’ancien Beatles n’imaginait pas qu’un titre de ses chansons illustrerait un article sur le décret n° 2015-282 du 11 mars 2015 relatif à la simplification de la procédure civile à la communication électronique et à la résolution amiable des différends. Continue reading « Give peace a chance, ou le décret n°2015-282 du 11 mars 2015 »

Croissance (de la défiance)

7 janvier 2015

Le gouvernement, sous l’égide de Monsieur MACRON, vient de présenter un projet de loi pour la croissance et l’activité. Il s’agit d’un fourre-tout où seuls les ratons laveurs ne sont pas concernés.

Parmi les nombreuses dispositions très diverses, on relève celles touchant les tribunaux de commerce. Elles tendent à une remise en cause très profonde de ces juridictions, qui pourtant fonctionnent bien. Leurs délais de jugement sont plus courts que ceux des juridictions étatiques, avec, devant la Cour d’appel de Rennes, un taux de réformation inférieur. Grâce à des juges bénévoles, les décisions sont d’un coût dérisoire pour les finances publiques. Rien n’impose donc le passage en force à ce sujet.

Cette remarque vaut aussi pour les professions règlementées du droit. La méthode adoptée par le gouvernement est un déni de démocratie. Elle constitue une nouvelle déchirure du tissu social, déjà si fragile. A ce sujet, le gouvernement a agi par tromperie, avec une brutalité qui n’a d’égale que son improvisation.

Voici quelques mois un projet a été initié par Monsieur MACRON. Le gouvernement ne l’a pas diffusé officiellement. Le texte n’était présenté que comme un document de travail. Les représentants des professionnels n’en ont eu connaissance qu’à l’occasion d’une fuite (comportement attribué normalement à un voleur, pas à un ministre). Interrogé, le ministère de la Justice a affirmé que ce texte n’engageait pas le gouvernement et qu’un autre texte serait présenté. Madame TAUBIRA l’a confirmé de la façon la plus explicite lors de la convention nationale des avocats à Montpellier le 30 octobre. Un texte très différent a en effet été présenté quelques jours plus tard.

Or, les professionnels ont découvert le 17 novembre qu’un texte totalement différent de celui du Ministère de la Justice, et reprenant pour l’essentiel le projet MACRON, était soumis à l’examen du Conseil d’Etat, en vue du conseil des ministres du 15 décembre. Aucune étude d’impact, aucune communication, aucune concertation n’a précédé cette présentation. Parmi d’autres aspects, ce texte modifie les modalités de représentation devant les Tribunaux de grande instance. Ce point peut amener à une concentration du contentieux dans les plus grandes villes, ce qui affecte la vitalité des territoires, l’équilibre de nombreux cabinets et l’exercice des droits de la défense. Le projet propose également la création de l’avocat en entreprise, avec un statut et secret professionnel dégradés. La remise en cause du secret professionnel, qui profite à tous les clients, est un bouleversement majeur pour la profession d’avocat et, beaucoup plus largement, pour la démocratie. La marque d’un système totalitaire est la violation du secret du à toute personne. C’est pourquoi les barreaux se sont immédiatement mobilisés en décidant d’une grève.

Bien plus, le gouvernement veut empêcher tout débat. En effet, après seulement deux jours, une nouvelle version du texte a été présentée le 19 novembre. Cette fois, le gouvernement entend procéder par ordonnance, notamment sur ce qui concerne le secret professionnel. Il écarte ainsi, non seulement les organisations professionnelles, mais aussi le parlement. Tous les corps intermédiaires, qui seuls permettent une expression raisonnée de la volonté démocratique, sont donc bafoués.

Alors qu’il existe tant d’urgence à réduire les dépenses publiques et à réformer le droit du travail, conditions sine qua non pour le retour de la croissance économique, le seul effet avéré de ce projet est la croissance de la défiance. Il doit être retiré.

(Ces propos sont tenus à titre personnel et n’engagent que leur auteur)

Vie Juridique – Cabinet Cressard & Le Goff

11 décembre 2014

Afin de répondre à une demande croissante de proximité avec les chefs d’entreprises, Maître Bruno CRESSARD et Philippe LE GOFF ont décidé de lancer un cabinet ayant sa propre identité […]

Droits des affaires : Un nouveau cabinet d’avocats

11 décembre 2014

Les avocats Bruno Cressard et Philippe Le Goff, tous deux spécialistes en droit commercial, droit des affaires et droit de la concurrence, ont créé un nouveau cabinet d’avocats à Rennes. 

Insaisissable insaisissabilité ?

17 octobre 2014

Nul ne peut entreprendre sans risque. Néanmoins, le législateur s’est fixé comme ambition de limiter les risques pour les entrepreneurs individuels. La Cour de cassation vient de prêter la main à ces vues en donnant une dimension redoutablement efficace à la déclaration d’insaisissabilité.

Pour protéger son patrimoine du droit de gage général des créanciers professionnels, l’entrepreneur peut soit créer une personne morale, soit rendre une partie de ses biens insaisissables. Cette seconde possibilité permet, depuis 2003, à tout commerçant, agriculteur ou professionnel indépendant de rendre sa « résidence principale » insaisissable pour ses créanciers professionnels. Cette simple formalité notariale publiée au bureau des hypothèques protège l’entrepreneur de ses créanciers dont les droits naissent après la publication de la déclaration, c’est-à-dire pour les dettes futures.

En 2008, la faculté de créer ce patrimoine d’affectation a été étendue à tout bien foncier extra professionnel de l’entrepreneur.

Le Code de commerce définit ce mécanisme d’insaisissabilité comme une dérogation au principe du droit de gage général du créancier (permettant au créancier de saisir tous les biens du patrimoine de son débiteur pour obtenir le paiement de sa créance).

Cependant, le législateur n’a pas expressément prévu l’articulation entre la déclaration d’insaisissabilité, permettant la protection de l’actif du débiteur, et la procédure de liquidation judiciaire, ayant pour objectif l’apurement du passif pour désintéresser les créanciers.

En effet, l’ouverture d’une procédure de liquidation judiciaire, place le débiteur et ses créanciers dans de nouvelles situations. D’une part, le débiteur se voit dessaisi de l’administration et de la disposition de ses biens au profit du liquidateur. D’autre part, les créanciers, à défaut de garantie, se retrouvent égaux devant le gage commun du débiteur. Le liquidateur, en tant que représentant des créanciers, agit dans leur intérêt commun.

Face à cette carence des textes, deux approches existent:

  • La première, favorable aux créanciers, considère que le liquidateur a la possibilité de poursuivre la vente du bien immobilier du débiteur si la déclaration d’insaisissabilité est inopposable à un seul des créanciers. Cette conception ferait tomber le bien immobilier du débiteur dans le domaine du droit de gage général dont disposent les créanciers.
  • La seconde, favorable au débiteur, considère que le liquidateur ne peut poursuivre la réalisation du bien que dans l’hypothèse où la déclaration d’insaisissabilité est inopposable à l’ensemble des créanciers. Cette approche restreint le cadre d’action du liquidateur.

La Cour de cassation a retenu la seconde approche, en consacrant l’efficacité de la déclaration d’insaisissabilité par deux arrêts récents.

Dans un arrêt du 28 juin 2011, elle a considéré que le débiteur pouvait opposer au liquidateur la déclaration d’insaisissabilité publiée avant sa mise en liquidation judiciaire. La Cour suprême écarte donc la position de la Cour d’appel qui avait jugé que la déclaration d’insaisissabilité ne faisait pas obstacle à la règle du dessaisissement.

Dans un arrêt du 13 mars 2012, la Cour de cassation a renforcé son analyse. En l’espèce, le liquidateur judiciaire avait poursuivi la vente du bien immobilier du débiteur. Les juges ont rappelé que le liquidateur ne pouvait agir que dans l’intérêt collectif de tous les créanciers. Par conséquent, la déclaration d’insaisissabilité n’étant pas opposable à tous les créanciers, la Cour de cassation a considéré que liquidateur ne pouvait poursuivre la vente du bien sans favoriser certains créanciers.

En pratique, l’approche de la Cour de cassation laisse penser qu’une déclaration d’insaisissabilité réalisée juste avant l’ouverture de la procédure de liquidation judiciaire, si elle n’est pas annulée au titre des nullités de la période suspecte, permettrait au débiteur de protéger son patrimoine immobilier au début d’une phase critique.

Cette déclaration se révèle donc être un outil efficace pour extraire son bien immobilier du droit de gage général des créanciers. Cette situation désavantage les créanciers auxquels la déclaration d’insaisissabilité est inopposable, c’est à dire les plus anciens, qui ont souvent permis au débiteur de tenir dans les périodes difficiles.

Finalement, la possibilité pour le liquidateur de faire vendre un bien est réduite quasiment à néant. La règle, difficile à saisir tant elle est favorable au débiteur, sera probablement amenée à évoluer. Conseil aux débiteurs : profitez-en tant que vous pouvez (en vous méfiant du retour de bâton).

Médiation, conciliation conventionnelle et procédure participative, un pas de plus vers la sécurisation de la résolution amiable des conflits entre entreprises

17 octobre 2014

Un décret du 20 janvier 2012 a créé dans le Code de procédure civile un livre consacré aux modes alternatifs de résolution des différends en dehors de toute procédure judiciaire.

Ces dispositions sont en vigueur depuis le 23 janvier 2012. Elles précisent les règles applicables à chacun de ces modes alternatifs de résolution des conflits (MARC) que sont la médiation, la conciliation conventionnelle (Code de procédure civile, art. 1530 à 1541) et la procédure participative (Code de procédure civile, art. 1542 à 1564).

La médiation et la conciliation font partie du paysage judiciaire depuis maintenant plusieurs dizaines d’années. Leur utilisation au cours d’un procès peut être imposée par la loi (en matière prudhommale ou de divorce par exemple) ou au choix du juge et des parties. Ce nouveau livre du Code de procédure civile encadre lui leur utilisation avant tout procès.

De son côté, la procédure participative est une création de la loi du 22 décembre 2010 qui encadre les négociations intervenues avec l’aide d’avocats afin de leur donner une autorité renforcée. Ce nouveau décret lui offre désormais un régime procédural.

Ce texte vient donc compléter la réglementation des outils à la disposition des entreprises aux fins d’éviter un procès. En effet, l’arbitrage connaît un succès bien établi et reste un outil majeur des entreprises pour éviter les procédures judiciaires longues et incertaines. Ce nouveau livre permet ainsi de compléter ces dispositifs.

Dans l’esprit de beaucoup, les différences entre ces outils ne sont pas perceptibles. Afin d’éclairer celles-ci, les objectifs, caractéristiques, avantages et limites de ces MARC sont résumés au sein du tableau annexé à cet article. Dès lors, il convient, de préciser les recours à ces différents outils dont peuvent bénéficier les entreprises.

  • La conciliation conventionnelle

La conciliation consiste en l’intervention d’un auxiliaire de justice bénévole, le conciliateur, qui présente des garanties en termes de discrétion et d’impartialité. Il est chargé de rencontrer les parties, de les écouter et de les inviter à adopter une solution de compromis. Cependant, le conciliateur ne joue pas un rôle actif, il est davantage chargé de garantir un terrain d’entente minimal sans définir lui-même les termes d’un éventuel accord. L’intérêt de la conciliation, en dehors de domaine très spécifique, comme les procédures collectives, s’avère assez faible pour les entreprises en l’absence de participation du conciliateur à la résolution du conflit. Celle-ci s’adresse plus, en effet, aux particuliers dans le cadre de petits litiges.

  • La médiation

La médiation consiste dans le recours payant à un tiers afin de conduire activement les parties en conflit à trouver un compromis. Son efficacité est démontrée dans le cadre de litiges commerciaux grâce à l’intervention d’acteurs institutionnels (Médiateur interentreprises gouvernemental, Centre d’Arbitrage et de Médiation de Bretagne), d’acteurs clés d’un secteur ou d’organisations professionnelles. Entre partenaires industriels ou commerciaux, la médiation présente également l’avantage majeur de permettre le maintien d’un lien, d’échanges, dans des situations parfois très conflictuelles.

  • La procédure participative (une vraie nouveauté)

La procédure participative, petite dernière de ces modes alternatifs, offre elle une troisième voie entre la négociation purement conventionnelle et la voie judiciaire. En effet, un temps encadré de négociation est créé. La signature de cette convention de procédure participative suspend le recours au juge tout en offrant la possibilité de faire intervenir un technicien. Ensuite, en cas de différend persistant et de recours à la justice, les échanges opérés permettent d’accélérer la procédure et d’obtenir un jugement plus rapide.

La procédure participative donne une nouvelle solution aux entreprises qui ne souhaitent pas faire intervenir un tiers mais veulent un déroulement actif des négociations visant la résolution de leur conflit.

  • L’arbitrage

Son utilisation est très courante dans le domaine commercial. Son recours présente, en effet, de nombreux avantages pour les entreprises, compétences des intervenants, confidentialité, rapidité. Son recours doit cependant être stipulé par le contrat, objet du litige, et ne devra intervenir que pour des litiges de montant important au regard de son coût.

Enfin, il convient de noter qu’une autre nouveauté, l’acte d’avocat permet de renforcer la valeur probatoire des actes constatant ces accords tout en conservant la souplesse et la sécurité juridique dont ont besoin les entreprises.

Les outils des MARC

PrincipeObjectifsAvantages

Limites

La conciliation

conventionnelle

Intervention d’un auxiliaire de justice, le conciliateur, pour encadrer les échanges entre partiesRédaction d’un constat d’accord (même partiel) entre les parties par le conciliateur
  • Suspension des délais de prescription
  • A toutes les chances d’aboutir lorsqu’une des parties enfreint manifestement la loi
  • Un exemplaire du constat doit être déposé au greffe du Tribunal d’instance
  • S’adresse principalement aux particuliers
  • Nécessite l’homologation d’un juge pour que l’accord ait force exécutoire

La médiation

conventionnelle

La médiation consiste à désigner une tierce personne, le médiateur, qui confronte les points de vue des parties afin de leur permettre de trouver une solution au conflit qui les opposeRésoudre le litige à l’amiable par l’intermédiaire du médiateur personne indépendante
  • Suspension des délais de prescription
  • Procédure souple et confidentielle
  • Solution équitable possible
  • Rôle actif du médiateur
  • Nécessite l’homologation d’un juge pour que l’accord ait force exécutoire

La procédure participative

Les parties, assistées de leurs avocats, recherchent conjointement, dans les conditions fixées par convention, un accord mettant un terme au différend qui les opposeTravail d’équipe tourné vers la recherche de la meilleure solution qui émerge des discussions
  • Suspension des délais de prescription
  • Suspension de la possibilité de recourir au Juge
  • Gain de temps en cas de procédure judiciaire sur un différend persistant

 

  • Nécessite l’homologation d’un juge pour que l’accord ait force exécutoire

 

L’arbitrage

Mode amiable de règlement d’un différend par une ou des personnes privées nommées « arbitre ». L’arbitrage tient son pouvoirde la convention des parties (clause compromissoire ou compromis) Le Tribunal arbitral prononce une sentence que les adversaires sont tenus de mettre à exécution
  • Compétence
  • Discrétion
  • Rapidité
  • Coût important
  • La sentence arbitrale ne peut faire l’objet d’une exécution forcée que si l’une des parties demande au juge une ordonnance d’exequatur